Les territoires « amis des aînés » : pour vieillir chez soi dans une société inclusive

La France, comme de nombreux pays, est confrontée à un vieillissement rapide de sa population. En 2030, près d’un Français sur trois aura plus de 60 ans. Face à cette évolution démographique majeure, les villes, les communes et les collectivités territoriales doivent adapter leurs politiques sociales, leurs services et leur cadre de vie pour garantir à chacun la possibilité de vieillir dignement chez soi, dans un environnement sécurisé et solidaire.

C’est dans ce contexte que les territoires « amis des aînés » apparaissent comme une démarche innovante et inclusive, soutenue par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), et de plus en plus adoptée en France.

Une initiative venue du Canada, adaptée au territoire français

Le concept de territoire ami des aînés est né au Canada, dans le cadre d’un projet-pilote mené par l’OMS. L’objectif ? Créer des environnements de vie permettant aux personnes âgées de rester autonomes le plus longtemps possible, tout en favorisant leur implication dans la communauté.

Transposée en France, cette approche repose sur une organisation locale coordonnée, impliquant les acteurs sociaux, les services de santé, les élus, les familles, les aidants, les associations et bien sûr les seniors eux-mêmes. La démarche se formalise souvent dans le cadre du dispositif MADA (Maison des Aînés et des Aidants), intégré aux plans de développement social locaux.

Des objectifs multiples pour mieux accompagner le vieillissement

Les territoires amis des aînés poursuivent plusieurs objectifs sociaux et sanitaires :

• Encourager un vieillissement actif, respectueux de la dignité humaine

• Prolonger l’autonomie des seniors grâce à un environnement adapté

• Faciliter l’accès aux services sociaux et médicaux

• Renforcer la prévention santé et les actions contre l’isolement

• Valoriser le rôle social des personnes âgées dans la société

• Promouvoir des liens intergénérationnels durables

Cette politique territoriale se fonde sur une vision intégrée de l’âge, dans laquelle la place des aînés est reconnue, respectée et mise en valeur.

8 domaines d’action structurants

L’OMS identifie huit grands axes d’action pour devenir un territoire ami des aînés. Chaque plan local est construit sur la base d’un diagnostic participatif, impliquant les membres de la communauté, les familles, les communes, les services sociaux et les seniors.

 

Une démarche participative avec des acteurs multiples

La réussite de cette démarche locale repose sur la mobilisation de tous les acteurs du territoire :

• Les collectivités locales (mairies, intercommunalités)

• Les acteurs sociaux (CCAS, associations)

• Les professionnels de santé

• Les organismes d’habitat social

• Les familles et aidants

• Et surtout : les personnes âgées, considérées comme co-acteurs des actions

Cette gouvernance collaborative permet une meilleure adaptation des actions aux réalités du terrain, et renforce le lien social à l’échelle locale.

Quels sont les critères pour devenir un territoire ami des aînés ?

Pour qu’un territoire soit reconnu comme « ami des aînés », il doit répondre à une série de critères qualitatifs, définis par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ces critères sont conçus pour guider les communes, intercommunalités et départements dans l’élaboration d’un plan structuré d’adaptation au vieillissement. L’objectif est de mettre en place une démarche territoriale cohérente, participative et tournée vers l’amélioration du cadre de vie des seniors.

Voici les principales conditions à remplir :

• Élaboration d’un diagnostic territorial participatif : recueil de la parole des aînés, des familles, des professionnels, des acteurs sociaux, afin d’identifier les besoins réels en matière de santé, logement, mobilité, lien social, etc.

• Mise en place d’un plan d’actions pluriannuel : ce plan doit être transversal, mobiliser différents services (urbanisme, santé, social, culture, mobilité), et proposer des solutions concrètes à court, moyen et long terme.

• Coordination interservices et gouvernance locale : nomination d’un référent « seniors » ou création d’un comité de pilotage impliquant élus, techniciens, associations, citoyens.

• Évaluation continue et communication transparente : diffusion des résultats, retour sur les actions mises en œuvre, mobilisation continue des parties prenantes.

• Adhésion à une charte ou labellisation : en France, certaines collectivités choisissent d’adhérer au réseau francophone des Villes Amies des Aînés (RFVAA), qui accompagne les communes dans la mise en œuvre du référentiel OMS.

Ces critères permettent d’ancrer la démarche dans une logique de progrès continu, au service d’un vieillissement actif, respectueux et inclusif.

Quels programmes existent pour soutenir le vieillissement à domicile ?

Plusieurs programmes nationaux et initiatives locales soutiennent les personnes âgées souhaitant rester chez elles le plus longtemps possible. Ces dispositifs sont souvent articulés avec la démarche « ami des aînés » :

1. Dispositif MADA (Maison des Aînés et des Aidants)

Cœur de la politique locale d’accompagnement du vieillissement, la MADA propose :

• Un guichet unique d'information sur les services d’aide à domicile, d’adaptation du logement, d’accompagnement administratif et social.

• Un soutien aux aidants familiaux (écoute, formations, groupes de parole).

• Une coordination avec les professionnels de santé et du secteur social.

2. Ma Prime Adapt’ (2024)

Gérée par l’Anah, cette aide financière à l’adaptation du logement permet de financer :

• Installation de barres d’appui, monte-escalier, douches à l’italienne

• Modification des accès (rampes, élargissement de portes)

• Amélioration du confort thermique et de la sécurité du domicile

3. Plans régionaux de santé et politiques départementales

Certaines ARS et départements, comme dans les Yvelines, proposent :

• Des aides au relogement adapté

• Des équipes médico-sociales itinérantes

• Des solutions d’habitat partagé ou inclusif pour les seniors isolés

4. Réseaux associatifs et portage de repas

Les associations locales participent aussi au maintien à domicile : portage de repas, visites de convivialité, téléassistance, médiation intergénérationnelle, etc.

Ces programmes montrent que le vieillissement à domicile n’est pas seulement une question d’infrastructure, mais aussi de soutien humain, de services sociaux bien pensés et de prévention santé.

Comment ces initiatives sont-elles mises en œuvre à l'échelle locale ?

La mise en œuvre locale repose sur une approche transversale. Voici comment cela se concrétise dans les territoires engagés :

1. Diagnostic de territoire et implication des habitants

Les collectivités réalisent des enquêtes, organisent des ateliers participatifs, des rencontres avec les familles, les professionnels et les associations. Cela permet de bâtir une feuille de route réaliste, adaptée aux besoins du territoire.

2. Mobilisation des acteurs et gouvernance partagée

Un référent "senior" ou une cellule dédiée est chargée de la coordination entre :

• Urbanisme (accessibilité, mobilités douces)

• Santé (centres de prévention, parcours de soins)

• Services sociaux (MADA, CCAS, associations)

• Culture et sport (activités intergénérationnelles, événements seniors)

Cette approche systémique assure une cohérence des actions, et évite les redondances.

3. Financement croisé et soutien technique

Les projets peuvent être co-financés par :

• L’État (ANCT, Anah)

• La Région ou le Département

• Les caisses de retraite (CARSAT, MSA)

• L’Europe (Fonds sociaux européens pour les initiatives sociales locales)

4. Communication locale et valorisation

Les communes communiquent via :

• Bulletins municipaux, affiches, permanences d’information

• Journées portes ouvertes, forums de la longévité, webinaires

• Sites web ergonomiques avec rubriques « seniors », parfois traduits et adaptés

Cela garantit une information accessible à tous, même aux personnes peu connectées.

Comment les familles peuvent-elles participer à ces initiatives ?

Les familles jouent un rôle central dans la réussite de ces démarches. Leur implication est non seulement précieuse, mais encouragée à plusieurs niveaux :

1. Participation à la réflexion territoriale

Les familles peuvent :

• Répondre aux enquêtes de besoins

• Participer aux réunions publiques ou concertations MADA

• Rejoindre les conseils des aînés ou comités citoyens

2. Soutien dans les démarches administratives

En tant qu’aidants, elles peuvent :

• Aider à la demande d’une aide MADA ou d’un aménagement du logement

• Suivre des formations proposées localement sur l’accompagnement du vieillissement

• Utiliser les guichets uniques pour obtenir des conseils sur les droits, allocations et dispositifs

3. Engagement dans la vie locale

Les familles peuvent aussi :

• Participer à des événements intergénérationnels (fêtes, ateliers)

• Proposer des projets citoyens avec leurs proches (jardin partagé, lecture, théâtre intergénérationnel)

• Devenir bénévoles pour accompagner d’autres familles ou seniors isolés

Impliquer les familles dans ces initiatives permet de renforcer le lien intergénérationnel, de limiter la perte d’autonomie, et de créer une solidarité locale durable.

Les bénéfices concrets pour les seniors et leur entourage

Pour les seniors :

• Un cadre de vie sécurisé, adapté à leurs besoins

• Une préservation de l’autonomie

• Une meilleure accessibilité aux soins, aux services sociaux, aux commerces

• Un sentiment de reconnaissance et d’utilité sociale

• Un ancrage local fort dans leur commune ou quartier

Pour les familles :

• Une réduction de la charge mentale grâce à une meilleure organisation

• Une meilleure orientation dans les démarches sociales ou administratives

• Un accompagnement structuré par les services de proximité

• Un soutien moral et logistique pour accompagner la perte d’autonomie

Focus sur quelques territoires engagés en France

Yvelines (78)

• Mise en place d’un plan senior départemental

• Développement de logements adaptés

• Mobilité douce et services de transport accompagnés

Nantes Métropole

• Habitat intergénérationnel, services sociaux coordonnés

• Création d’un conseil des aînés actif

• Multiplication des lieux de rencontre communautaires

Grenoble

• Mise en place de référents seniors par quartier

• Ateliers numériques pour réduire la fracture digitale

• Espaces de vie partagés entre générations

Ces exemples locaux illustrent l’efficacité des plans d’action territoriaux, qui conjuguent volonté politique, ingénierie sociale et innovation locale.

Comment devenir un territoire ami des aînés ?

Pour les communes :

• Réaliser un rapport de diagnostic local

• Structurer un plan de développement social

• Lancer une démarche MADA

• Mobiliser les acteurs sociaux et sanitaires

Pour les seniors :

• Contacter la mairie ou le CCAS

• Participer à des ateliers santé, activités culturelles ou groupes de parole

• Demander un diagnostic autonomie ou une aide à l’adaptation du logement

Pour les familles :

• S’informer sur les services disponibles

• Participer aux réunions de concertation

• S’impliquer dans la vie locale pour accompagner le vieillissement de leurs proches

Une stratégie sociale durable et solidaire

Au-delà des services, la démarche "ami des aînés" engage un changement culturel : reconnaître que le vieillissement n’est pas une contrainte, mais une opportunité de repenser nos territoires autour de l’inclusion, de la prévention et de la solidarité intergénérationnelle.

Elle s’inscrit dans une vision plus large du développement local durable, où chaque personne, quel que soit son âge, à sa place dans la communauté.

Vieillir dignement, chez soi, dans un territoire solidaire

Les territoires "amis des aînés" changent notre regard sur le vieillissement. Grâce à une démarche locale structurée, fondée sur la prévention, l’adaptation, l’autonomie et la reconnaissance sociale, ils permettent aux seniors de rester chez eux, entourés, écoutés et pleinement intégrés à la vie de la communauté.